Pour le retrait de la loi sur la prévention de la délinquance

Il est impossible de se taire avant la deuxième – et dernière - lecture de ce texte par le Parlement (Sénat et Assemblée nationale) en janvier 2007.

La première lecture par le Parlement a confirmé que, malgré son titre, cette loi ne correspond pas à une politique de prévention. En effet pour cette loi, encore alourdie par les parlementaires (tel l’article 39 bis sur la justice des mineurs qui entame leur protection pour excuse de minorité), c’est la sanction la plus rapide possible qui est considérée comme de la prévention. L’idée dominante étant que la sanction est la meilleure prévention.

Nos concitoyens doivent savoir que, sous le masque mensonger de la prévention, cette loi qui traite notamment des jeux de hasard, des chiens dangereux, des troubles du voisinage, des infractions par communication électronique, etc. (les 51 articles réforment plus de dix codes et diverses lois…) est, dans certains de ses articles insérés dans cet ensemble disparate et confus (sorte de cheval de Troie), une attaque en règle contre les droits de la personne.

Sans entrer dans le détail – mais en appelant ceux qui en ont le courage à lire le texte de la loi - nous attirons l’attention de nos concitoyens sur le fait majeur que, notamment dans ses articles cités ci-après, cette loi crée les conditions d’une société de la délation pour renforcer le contrôle des individus.

Pour lutter contre ‘’des difficultés sociales, éducatives ou matérielles’’ d’une personne ou d’une famille l’article 5 de la loi autorise la levée du secret professionnel des intervenants de l’action sociale afin que le maire puisse être informé.

Cette mesure, gravissime, instaure, en fait, une obligation de délation pour les travailleurs sociaux concernés. Il ne leur sera plus possible de respecter les marges de manœuvre et le besoin de confidentialité (l’intime) qui sont au cœur même des droits de la personne humaine. Cette disposition de la loi remet totalement en cause, et c’est un indicateur fort de l’évolution actuelle de la société française, le rôle des travailleurs sociaux.

Cette évolution est aggravée par la multiplication des fichiers informatisés, dont certains (fichier des maires pour le suivi des élèves, fichier des personnes hospitalisées d’office) sont explicitement cités dans la loi (articles 9 et 19). Ce sont des décrets qui préciseront quelles données personnelles seront collectées et par qui et comment seront utilisés ces fichiers, ainsi que la durée de conservation des données sur les élèves…

Les maires, dans la continuité de la loi sur l’immigration de juillet 2007 (appréciation de l’aptitude des étrangers à vivre dans la société française), se voient confier un rôle de quasi-agents des renseignements généraux. En effet ils sont chargés de regrouper les informations sur les diverses déviances supposées ou réelles de leurs administrés avec le risque, non hypothétique, d’être sensibles aux sirènes de l’opinion publique – en l’espèce leurs électeurs - fut ce au mépris des droits des personnes en cause.

En outre il leur est conféré (article 50) un droit de ‘’rappel à l’ordre’’ de leurs administrés défaillants et le pouvoir d’hospitalisation d’office en psychiatrie (article 21) : or chacun doit être conscient que ceci est une atteinte, significative de l’évolution en cours, à la séparation des pouvoirs qui est l’un des fondements de l’ordre légal (l’Etat de droit) en France.

Même si les personnes socialement défavorisées risquent d’en être les premières victimes, les exemples suivants montrent que chacun doit se sentir concerné par ces mesures :

* Votre enfant, adolescent, traverse une période difficile, Il lui arrive même de faire l’école buissonnière, son lycée comptabilise quatre demi-journées d’absence non justifiées : désormais, votre maire sera informé de ses absences,qui figureront sur un fichier municipal ; vous pourrez faire l’objet d’un rappel à la loi, vos allocations familiales risquent d’être supprimées durant un an et vous pourriez être contraint de suivre un stage parental (cf. l’article 6 de la loi sur les pouvoirs du ‘’Conseil pour les droits et les devoirs des familles’’ créé dans toutes les communes qui le voudront).

* Vous venez de divorcer, vous n’avez pas de travail et avec vos deux enfants, vous avez du mal à faire face aux charges. Vous sollicitez l’aide et l’écoute de votre assistante sociale de secteur : désormais, celle-ci devra informer le maire de votre commune de votre situation.

* Votre fille a 16 ans. Avec ses copains, elle consomme alcool et stupéfiants. Elle refuse de vous en parler, mais rencontre l’éducateur de rue de son secteur, se confie à lui et lui demande de l’aide : désormais, l’éducateur aura l’obligation d’informer le maire des difficultés rencontrées par votre fille.

* Votre sœur souffre de troubles du comportement. Certains ont estimé qu’elle troublait l’ordre public, et ont sollicité le maire qui a accepté, selon son nouveau pouvoir, de la faire « hospitaliser d’office » :

désormais, son nom figurera dans un fichier national dépendant du Ministère de la Santé consultable par les autorités judiciaires, la Police, le Préfet.

* Votre fils a 15 ans. Il met à mal votre autorité et celle des enseignants. La sanction tombe : un avertissement est donné : désormais, l’inspecteur d’académie en informera le maire et le nom de votre enfant figurera sur un fichier municipal.

Ces mesures interviennent dans un contexte général qui accroît le risque d’arbitraire comme le montrent, par exemple, l’affaiblissement de la Commission nationale informatique et liberté (CNIL) ou le projet de décret pour réduire les possibilités de recours devant les tribunaux administratifs reconnus comme étant, généralement, des garants de la défense des libertés.

Pour paraître répondre au souci de tranquillité, très répandu dans la société française, le Parlement s’apprête à commettre une grave erreur en s’obstinant à voter, dans cette loi, des dispositions aussi gravement attentatoires aux libertés individuelles (voir également l’article 45 bis sur l’écoute des prisonniers). Si cette loi s’applique comment sera-t-elle compatible avec l’article 9 du Code civil selon lequel ‘’Chacun a droit au respect de sa vie privée’’ ? 

Exigeons ensemble le retrait de cette loi attentatoire aux droits de la personne : CETTE SOCIETE-LA, ON N’EN VEUT PAS.

13/04/2007